Un temps sérieusement envisagé, l’envoi d’astronautes européens à bord de la station spatiale chinoise n’est plus à l’ordre du jour. Faut-il y voir une des conséquences indirectes de la guerre en Ukraine et du renforcement de la coopération spatiale et militaire qui s’est ensuivi entre la Chine et la Russie ? Notre analyse.


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    Lors de sa conférence de presse de rentrée, le directeur général de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA), Josef Aschbacher, a déclaré que son agence n'avait « ni la capacité budgétaire ni l'intention politique d'envoyer ses astronautes à bord de la station spatiale chinoise ». Cette décision ne remet évidemment pas en cause les partenariats en cours dans quelques programmes spatiaux, principalement liés à l'observation de la Terreobservation de la Terre et des supports techniques qui ne sont pas jugés sensibles, ni ceux envisagés dans le futur. Mais clairement, la coopération avec la Chine dans le domaine des vols habitésvols habités, de l'utilisation humaine de l'orbite basse et de l'exploration humaine de la Lune est de moins en moins à l'ordre du jour. Elle aurait même tendance à être abandonnée !

    Pour justifier sa décision, Josef Aschbacher s'est contenté d'explications convenues, polies. Pourtant, il y a encore quelques années, en 2017, la Chine et l'ESA envisageaient une mission potentielle d'astronautes européens à bord du laboratoire Tiangong et de la station spatiale chinoise au cours de la décennie 2020.

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    Des astronautes européens s'entraînent pour voler à bord de la station spatiale chinoise

    Dans ce cadre-là, les astronautes européens Samantha Cristoforetti et Matthias Maurer avaient participé à une formation de survie en mer avec 16 de leurs homologues chinois. Un an plus tôt, l'astronaute chinois Ye Guangfu avait participé au programme de formation des astronautes européens Caves de l'ESA qui consiste à envoyer de futurs astronautes s'entraîner dans un environnement de grotte qui offre de nombreuses conditions liées à l'espace (isolement, défis techniques, présence de risques...)).

    Complexités géopolitiques suite à l'invasion de l'Ukraine

    Pour comprendre cette décision, il faut savoir que le renforcement des relations diplomatiques entre la Chine et la Russie dans les domaines militaires, spatiaux et économiques est vu depuis les États-Unis comme une volonté manifeste de remettre en question ce que les dirigeants russes et chinois perçoivent comme un ordre mondial dominé par l'Occident et structuré pour limiter leurs objectifs stratégiques à long terme. Les États-Unis sont donc peu enclins à laisser prospérer une alliance concurrente et ont donc tendance à demander à leurs partenaires de choisir entre eux ou la Chine.

    Autre explication, en raison de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, si de nombreux pays et entreprises ont rompu leur liens avec la Russie, d'autres hésitent à se ranger du côté de Pékin ou tout simplement à nouer des partenariats plus ou moins ponctuels. En effet, plus les relations chinoises et russes s'intensifient, plus les deux pays sont perçus comme inséparables et moins les dirigeants extérieurs sont enclins à s'engager aux côtés de la Chine.

    La participation russe, décidée avant le conflit avec l'Ukraine, au projet chinois d'installer une base sur la Lune empêche-t-elle la Chine de signer de nouveaux partenaires de premier plan ? La question mérite d'être posée. © Dottedyeti, Adobe Stock
    La participation russe, décidée avant le conflit avec l'Ukraine, au projet chinois d'installer une base sur la Lune empêche-t-elle la Chine de signer de nouveaux partenaires de premier plan ? La question mérite d'être posée. © Dottedyeti, Adobe Stock

    Des difficultés à trouver des partenaires

    Malgré sa volonté de s'ouvrir au monde, la Chine a bien du mal à trouver des partenaires de premier plan, hormis la Russie. Pourtant, un objectif majeur est présenté dans un livre blanc publié en janvier 2022. Cela dit, il y a tout de même des pays disposés à travailler avec la Chine et qui n'ont pas pris parti dans le conflit qui oppose l'Ukraine à la Russie. C'est le cas de négociations en cours avec une formation intergouvernementale qui comprend l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Koweït, Oman et le Qatar.

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    L'ambitieux programme spatial chinois en 2023

    Si la Chine a du mal à trouver de nouveaux partenariats, elle doit aussi gérer ses partenaires occidentaux historiques qui s'en éloignent progressivement, sans faire de vaguevague. C'est le cas de l'ESA donc, mais aussi de la France qui n'évoque plus de nouvelle coopération avec la Chine au-delà du partenariat conclu dans le cadre de la mission du satellite franco-chinois CFOSAT, lancé en 2018. De même, dans ses derniers entretiens officiels avec Xi Jinping, le président français Emmanuel Macron évoque l'aéronautique comme domaine possible de coopération, mais ne fait plus d'allusion au secteur spatial.

    Consciente du tort que peut lui faire la Russie, la Chine n'envisage pas pour l'instant une pleine coopération technique et intégrée avec la Russie. Cela peut être vu comme la volonté manifeste de la Chine de ne pas se couper complètement du monde ou tout simplement qu'au fur et à mesure que la Chine se développe, elle a de moins en moins besoin de l'expertise que lui fournit actuellement la Russie, alors que cette dernière continuera d'avoir besoin des ressources chinoises.