La Nasa aurait détruit involontairement des molécules organiques présentes dans les poignées de sol martien analysées par les deux atterrisseurs Viking il y a une quarantaine d’années. Comment cela est-il arrivé ?

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    Ce n'est pas la première fois que les missions Viking, qui ont débarqué sur Mars, respectivement, le 20 juillet et le 3 septembre 1976, sont au cœur de l'attention des chercheurs quant à la découverte d'une possible vie passée sur la Planète rouge. Le débat n'a pas cessé au cours des quatre décennies écoulées (voir l'article plus bas). Alors, est-ce que les deux atterrisseurs ont indirectement identifié des traces de vie sur Mars ? Certains répondent que oui, c'est possible. En tout cas, les deux Viking Lander ont peut-être été les premiers de l'histoire à avoir détecté la présence de molécules organiques complexes à la surface de notre voisine.

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    Vie sur Mars : Curiosity et la Nasa découvrent d’intrigantes molécules organiques

    Tout récemment, souvenez-vous, la Nasa clamait que Curiosity venait de découvrir des composés thiophéniques, aromatiquesaromatiques et aliphatiques dans des roches sédimentairesroches sédimentaires âgées de 3,5 milliards d'années sur les pentes du mont Sharp (au centre du cratère Gale, lequel fut un lac à cette période). Des éléments constitutifs de la vie certes, mais qui peuvent aussi être d'origine abiotiqueabiotique. Et Curiosity ne serait peut-être pas le pionnier. Dans une étude publiée dans le Journal of Geophysical Research, l'équipe dirigée par Melissa Guzman, du Latmos, montre que les Viking auraient pu identifier de la matière organique voici 40 ans. Seulement, les chercheurs l'ont manquée car elle a été vraisemblablement détruite durant l'expérience. Involontairement, bien sûr.

    Le 7 juin 2018, la Nasa annonçait la découverte par Curiosity de molécules organiques dans des roches sédimentaires âgées de 3,5 milliards d’années. © Nasa, GSFC

    Le 7 juin 2018, la Nasa annonçait la découverte par Curiosity de molécules organiques dans des roches sédimentaires âgées de 3,5 milliards d’années. © Nasa, GSFC

    Enquête sur la destruction des traces de molécules organiques

    Cela a toujours étonné les scientifiques que les deux Viking ne détectent pas de traces de composés carbonés là où il devrait pourtant y en avoir, étant donné que la planète est régulièrement arrosée de micrométéorites qui en sont riches. La solution à cette énigme vient des perchlorates présents dans le sol (l'atterrisseur PhoenixPhoenix en a détecté en 2008).

    Ces sels sont très inflammables, aussi en chauffant une poignée de sol martien à 500 °C dans le chromatographe en phase gazeuse, cela a-t-il sans doute mis le feu à l'échantillon. Et avec lui, les indices de matière organique seraient donc partis en fumée... C'est ce qui est probablement arrivé, comme le démontre l'équipe qui est partie à la recherche de traces de chlorobenzène dans les archives de Viking. En effet, cette molécule est produite lorsque des perchlorates brûlent avec le carbone. Et finalement, ils en ont retrouvé du côté de Viking 2. Est-ce que cela veut dire que l'échantillon contenait de la matière organique martienne ? Dans New Scientist, l'auteure principale de l'étude, se veut prudente et n'exclut pas qu'elle puisse être d'origine terrestre...

    Si cela se confirme, c'est plutôt une bonne nouvelle d'autant plus que cela signifie qu'elle peut être présente en divers lieux sur la planète.


    Vie martienne : retour sur une expérience de Viking en 1976

    Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet publié le 19 avril 2012

    Les deux sondes Vikingsondes Viking de la Nasa, arrivées sur Mars en 1976, ont-elles découvert une activité biologique ? Non, affirme la communauté scientifique depuis trente-six ans. Si, rétorquent certains. Le débat vient d'être relancé avec une nouvelle étude, menée par deux anciens collaborateurs de la mission de la Nasa, dont les résultats montreraient au moins la possibilité d'une activité biologique.

    Depuis trente-six ans, les résultats scientifiques des deux sondes Viking 1 et 2, qui se sont posées sur la Planète rouge le 20 juillet et le 3 septembre 1976, sont l'objet de discussions et de controverses. À bord de ces engins, trois expériences étaient chargées de repérer l'éventuelle activité biologique de micro-organismesmicro-organismes du sol martien. Il s'agissait de détecter une production ou une dégradation de molécules organiques, qui se manifesterait par des émissionsémissions de dioxyde de carbonedioxyde de carbone (CO2)) ou de méthane. Des réactions chimiquesréactions chimiques ont bien été mises en évidence mais leurs caractéristiques ont fait conclure à une origine purement chimique, notamment par l'action de produits fortement oxydants. Le perchlorate, présent dans la solution de lavage des instruments des Viking, a été accusé et, entre 2008 et 2010, la sonde Phoenix en a justement trouvé dans le sol que ses instruments ont analysé, ce qui aurait d'ailleurs pu, selon certains, fausser les analyses des Viking.

    Une quatrième expérience consistait à détecter des molécules organiques (des composés du carbone, donc), dans le sol martien. Baptisée GC-MS, elle reposait sur un chromatographe en phase gazeuse (GC), qui sépare les constituants d'un mélange, et un spectromètrespectromètre de massemasse (MS), qui détermine la nature chimique de chacun d'eux. Cette instrumentation n'a pas détecté de molécules organiques dans le sol de Mars.

    Depuis cette époque, ces conclusions ont été contestées par une minorité de scientifiques, qui pointent des défauts des expériences ou une sensibilité trop faible. En 2006, par exemple, l'équipe de Rafael Navarro-Gonzalez a montré que le GC-MS ne pouvait détecter les molécules organiques, pourtant présentes, dans des échantillons de sols désertiques provenant notamment de l'AntarctiqueAntarctique ou de l'Atacama.

    Carl Sagan devant la maquette d'un atterrisseur Viking 1. © Nasa

    Carl Sagan devant la maquette d'un atterrisseur Viking 1. © Nasa

    Les expériences de Viking font toujours parler d’elles

    Aujourd'hui, une équipe revient à la charge, avec une nouvelle analyse de l'expérience dite LR, pour Labeled released, dans un article publié par la revue sud-coréenne en ligne Journal of Aeronautical and Space Sciences. Parmi les signataires on trouve Gilbert Levin, qui a participé à la mise au point des expériences embarquées par Viking et qui est toujours resté persuadé qu'elles ont effectivement mis en évidence une activité biologique. L'équipe comprend également Joseh Miller (KeckKeck School of Medicine, University of SouthernSouthern California), qui est neurobiologiste et pas un spécialiste d'exobiologieexobiologie ni de géologiegéologie martienne, mais qui a collaboré avec Gilbert Levin.

    Dans l'expérience LR, un échantillon de sol martien est placé dans une enceinte contenant une solution nutritive dont les composés ont été marqués au carbone 14 (radioactif, donc). Après incubation, un détecteur recherche le dégagement de CO2 radioactif, qui démontrerait la dégradation des molécules organiques de la solution nutritive. C'est bien ce qui a été observé : du dioxyde de carbone radioactif apparaît rapidement dans l'enceinte, alors que ce n'est pas le cas dans une autre enceinte qui a reçu des échantillons de sol martien préalablement stérilisé par chauffage. Une troisième expérience, dont l'enceinte subit un chauffage à près de 50 °C, ne produit qu'un faible dégagement et, enfin, aucune production de dioxyde de carbone n'apparaît avec des échantillons de sol restés plusieurs mois enfermés avant l'expérience.

    La toute première image du sol martien photographié sur place, prise le 20 juillet 1976 par la caméra de la sonde Viking 1, qui venait juste d'atterrir. Après calibrage, des images en couleurs ont été réalisées dans les jours suivants. © JPL, Nasa

    La toute première image du sol martien photographié sur place, prise le 20 juillet 1976 par la caméra de la sonde Viking 1, qui venait juste d'atterrir. Après calibrage, des images en couleurs ont été réalisées dans les jours suivants. © JPL, Nasa

    Une activité qui ressemble à celle de la vie

    Cependant, ce dégagement de dioxyde de carbone radioactif présente une variation dans le temps qui colle mal avec l'activité de micro-organismes. Il est tout d'abord très fort, ce qui impliquerait une grande quantité d'organismes vivants, donc une forte teneur en matière organique qui aurait dû être repérée par l'expérience GC-MS. Elle décroît ensuite rapidement et, enfin, la solution nutritive est à peine entamée. Ce résultat, qui ressemble à une bouteille à moitié vide ou, selon le point de vue, à moitié pleine, a laissé un clivageclivage entre ceux (peu nombreux) qui en concluent à la présence de micro-organismes et ceux (tous les autres) qui déduisent de simples réactions chimiques.

    Joseph Miller et ses coéquipiers se sont justement attelés à l'analyse fine, et même mathématique, de l'évolution dans le temps des dégagements de gazgaz carbonique radioactifs. Ils l'ont comparée à des expériences équivalentes effectuées sur Terre et faisant intervenir ou non des phénomènes d'organismes vivants. Pour eux, il apparaît un rythme circadienrythme circadien dans les activités mesurées par les expériences LR des sondes Viking et les variations montrent également « une grande complexité ». Selon leurs conclusions, les émissions gazeuses observées dans les enceintes ressemblent seulement à des modèles terrestres dans lesquels interviennent des organismes vivants. À l'inverse, les résultats obtenus dans les enceintes témoins évoquent, eux, ceux donnés par des expériences purement chimiques.


    Onze minutes d'une superbe animation sur la mission MSL, de la Nasa. Après son arrivée sur Mars, le 6 août 2012, le roverrover Curiosity, pesant près de 900 kgkg, se fera géologuegéologue et analysera le sol autour de lui durant une année martienne. Parmi ses instruments, on remarque ChemCamChemCam, qui associe un tir laserlaser de précision, vaporisant à distance et ionisant un fragment de roche, pour l'analyser par spectroscopie derrière un petit télescopetélescope. Le laboratoire Sam analysera des échantillons de sols et d'atmosphèreatmosphère pour y rechercher des molécules organiques et y traquer les différents isotopesisotopes du carbone et d'autres atomesatomes. © JPLJPL/YouTubeYouTube

    Affaire à suivre grâce à MSL

    Les auteurs, qui n'affirment pas avoir découvert la vie sur Mars, concluent qu'il y a là un nouvel indice d'une activité biologique possible dans le sol martien. De toute façon impossible à la surface même, à cause de la basse pressionpression et des ultravioletsultraviolets, la vie telle que nous la connaissons n'est imaginable que dans le sous-sol. Et, comme le souligne Joseph Miller, si vie martienne il y a, elle diffère sans doute de la nôtre et son activité peut nous surprendre. Bref, nous avons encore le droit de rêver à des microbes martiens.

    L'argument ne convainc guère André BrackAndré Brack, spécialiste d'exobiologie et directeur de recherche honoraire au centre de biophysique moléculaire du CNRS à Orléans. « L'analyse mathématique de la complexité des dégagements gazeux est menée correctement mais le problème réside dans les échantillons témoins analysés pour faire apparaître les différences entre "inerte" et "biologique". Ils ne sont pas du tout convaincants.

    • Les témoins terrestres de sols martiens "inertes" ne représentent pas nécessairement les dits sols martiens, très mal connus à ce jour quant à leur degré d'oxydationoxydation.
    • Les contrôles martiens à bord des Viking ont été "stérilisés" par chauffage à 160 °C. Un tel chauffage peut très bien avoir modifié la nature oxydante du sol martien au point de le rendre inerte.

    Dans ces conditions, l'explication la plus probable reste la réactivité d'un sol oxydant "non vivant". »

    Actuellement en route vers la Planète rouge, le rover Curiosity de la mission MSL (Mars Science LaboratoryMars Science Laboratory) embarque des instruments sophistiqués, dont un chromatographe et un spectromètre de masse, capables d'analyser avec précision des échantillons de sol qu'il prélèvera avec une pelle. Il commencera à travailler au mois d'août prochain et poursuivra ses expériences durant deux ans (terrestres), pour nous donner de nouveaux renseignements sur la composition du sol martien.

    C'est l'opinion d'André Brack : « On en saura beaucoup plus avec cette sonde. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder cette animation [celle proposée ci-dessus, NDLRNDLR] », qui ajoute que « Le projet d'une mission européenne Exomars connaît actuellement de grandes difficultés. Il serait vraiment dommage que l'Europe reste à la traîne dans l'exploration de Mars après l'immense succès de l'orbiteur Mars ExpressMars Express ».

    Après les missions sur le sol ou en orbiteorbite, la Planète rouge abrite encore de nombreux mystères, qui méritent sûrement notre attention...